Dans l’une de ses célèbres
fables, La Fontaine a mis en scène une poule et un renard, la première
demandant au second de la protéger contre son mari volage et… finissant
par se faire dévorer. Morale de l’histoire : ne jamais compter sur ses
ennemis pour assurer son présent ou son avenir. Jésus a conduit toute sa
vie sans chercher protection auprès de quiconque, et surtout pas auprès
du puissant de son époque, le roi Hérode : au contraire, il savait
devoir tout craindre de lui et il a choisi de s’en tenir le plus
longtemps possible à l’écart.
Mais quand il comprend qu’il doit
accomplir parfaitement ce qui est juste, et donc mener à bien la mission
reçue à son baptême, laquelle passe par sa mort, il ne louvoie pas.
L’évangéliste Luc l’a fort bien dit : « il prend résolument le chemin de
Jérusalem » (Lc 9, 51) sachant bien pourtant que cette ville lapide
ceux qui lui sont envoyés. Et de fait il y subit le sort funeste des
prophètes. Les saints et les martyrs qui l’ont suivi sur son chemin ont
toujours manifesté la même résolution : ils n’ont pas couru vers leur
destin ni n’ont cherché à l’anticiper, ils ne se sont pas jetés
orgueilleusement dans la gueule du loup, mais, par fidélité à leur
baptême, ils ont assumé ce destin avec tous ses aléas quand il s’est
présenté.
Ni le présent, ni l’avenir, fussent-ils l’un et
l’autre tous deux menaçants, ne devraient pouvoir perturber celui qui a
mis toute sa confiance en Dieu.
Méditation de l’Évangile du jeudi 30 octobre
Alors que Jésus est dans la province de Pérée, gouvernée par Hérode Antipas, des pharisiens bien intentionnés s’approchèrent de Lui et lui dirent : « Sors d’ici et va-t-en, car Hérode veut Te tuer ».
La désinvolture de sa réponse témoigne et de son courage et de son indépendance face au pouvoir. Il se moque d’Hérode, car la mission qu’Il tient de Dieu sera accomplie malgré ce roi fantoche et astucieux.
« Allez dire à ce renard : Voici, aujourd’hui et demain Je chasse des démons et J’accomplis des guérisons, et le troisième jour Je suis consommé. Cependant, aujourd’hui et demain et le jour suivant, Je dois être en route, car il ne convient pas qu’un prophète périsse en dehors de Jérusalem »
Il donne comme sens premier à sa mission ces deux points : chasser les démons, guérir les malades.
Le démon, c’est celui qui se met en travers de l’annonce de la Bonne Nouvelle et détruit l’homme spirituel.
Guérir les malades est aussi une de ses préoccupations essentielles car la maladie et la mort sont les grandes préoccupations de l’homme. Pourquoi avoir créé un être intelligent qui souffre et se voit mourir ?
Les guérisons de Jésus affirment que Dieu ne veut pas le mal, même s’il existe momentanément pour l’homme. Sa venue, ses gestes d’amitié vis-à-vis des malades, son attention à leur égard, ses propres souffrances expliqent mieux ce mystère, au coeur de l’homme, que de longs discours.
J’aime aussi cet être plein de la fougue de la jeunesse, qui définit sa mission comme la marche du héraut qui crie la vérité jusqu’à en mourir.
« Aujourd’hui et demain et le jour suivant, Je dois être en route… »
Il sait où cette marche ardente le conduira « car il ne convient pas qu’un prophète périsse en dehors de Jérusalem ».
Jésus est pleinement conscient de sa mission. L’envoyé du Père est venu pour réaliser, dans la vérité ; « l’heure » où Il acceptera, librement, par amour, la mort du Fils de l’homme.
Son grand sacrifice, c’est cet abandon au Père, à « l’heure » de la mort de la créature fragile et intelligente, qui s’en remet dans la foi, à l’amour de Dieu. Il en connaît l’heure, le lieu, les circonstances et ce ne sont pas les manigances d’Hérode qui l’empêcheront de réaliser cette mission :
« Et le troisième jour, Je suis consommé… »
Dieu mène le monde malgré les puissants du jour. Jésus nous l’affirme avec force. La grande Espérance du Salut se réalisera malgré les ruses d’Hérode qui n’est à ses yeux qu’un renard. Face au pouvoir, il faut savoir dire et crier les droits de Dieu.
Père Gabriel